À la découverte d’un métier :

Jean-Louis Duverger, maître horloger de la Grosse Cloche

La porte Saint-Éloi, plus familièrement appelée Grosse Cloche, est un monument emblématique à Bordeaux ! Tu la connais ? Lis cet article où je te présente son histoire et quelques anecdotes… Et quand tu auras des amis de passage, tu pourras leur en dire plus !

Notamment que la porte Saint-Éloi se nomme aussi « porte Sent-Jacmes » car c’est un passage emprunté par les pèlerins de Saint-Jacques… Et la cloche de 8 tonnes est baptisée Armande-Louise.

Savais-tu que notre Grosse Cloche abrite la dernière horloge mécanique en service de la ville de Bordeaux ? Toutes les semaines, il faut rentrer à l’intérieur de l’ancien beffroi et remonter sa pendule… qui sinon s’arrêterait. Depuis plus de 10 ans, c’est à monsieur Jean-Louis Duverger, maître horloger à Bordeaux, qu’a été confiée cette tâche.

Et c’est aujourd’hui dans son univers que je t’invite à pénétrer !

Mais d’abord dis-moi : as-tu une pendule mécanique chez toi ? Dans une maison de famille, te souviens-tu d’une pendule rythmant ton enfance et les grands évènements ?

L’histoire de Monsieur Duverger… ou son destin de maître horloger

Dès sa naissance, Jean-Louis Duverger est entouré de pendules. Dans son magasin / atelier « l’Horlogerie d’Antan », ouvert en 1958, son père se spécialise dans l’installation d’horloges électriques dans les lieux publics comme les usines, les gares…

Dans ces lieux à cette époque, on installe massivement des horloges mères qui commandent et synchronisent d’autres horloges (horloges filles) en envoyant une impulsion électrique par câble pour faire avancer les aiguilles.

Il s’occupe aussi de réparer les pointeuses des usines qui, pour la plupart subissent régulièrement la même panne, par exemple du café malencontreusement renversé dessus !

Jean-Louis, quant à lui, obtient son CAP d’horloger à l’école d’horlogerie de Mérignac. Puis, parce qu’il préfère les pendules mécaniques aux montres, il se spécialise en étudiant 2 ans sous la direction de l’ancien maître horloger du château de Versailles, Mr Michel Batteux.

Aujourd’hui lui-même maître horloger, Jean-Louis répare et restaure des pendules de différentes époques comme les Comtoises, des pendules de cheminée d’époque Louis XV, Louis XVI… et s’occupe aussi de bichonner l’horloge de la Grosse Cloche !

 

Anatomie du mécanisme (ou mouvement) d’une pendule mécanique

Un mouvement est une succession de roues et de pignons (de différentes tailles) engrenant les uns avec les autres.

Les ressorts d’une pendule, ou les poids, fournissent l’énergie aux engrenages du mouvement pour fonctionner. Au fur et à mesure que le temps passe, le ressort se détend (ou le poids descend). Lorsqu’on remonte une pendule, en général toutes les semaines, on arme le ressort (ou on remonte le poids) qui sinon, détendu, (ou en fin de course pour le poids) arrêterait le mouvement de la pendule.

Le balancier est un organe mobile régulant, par son oscillation, la vitesse du mouvement de la pendule.

L’ancre, au-dessus de la roue d’échappement, fait « échapper » les dents de cette roue et régularise l’oscillation, le tictac, du pendule. Sans ancre, les aiguilles tourneraient très rapidement sans contrôle.

Avec le balancier, l’ancre donne la précision de la pendule.

Pour la réalisation d’un mouvement, ou lorsqu’un balancier est perdu et doit être refabriqué, il faut considérer tous les éléments techniques comme la longueur du balancier, sa fréquence d’oscillation, son centre de gravité, la masse qu’il porte…

 

(Très) Brève histoire de la mesure du Temps

– Avant notre ère, les civilisations du monde entier (Égyptiens, Grecs, Mayas, Incas, Babyloniens…) s’appuient sur les mouvements de la Lune et du Soleil – et l’écoulement de l’eau et du sable dans une clepsydre – pour mesurer le temps.

Elles observent aussi la longueur de l’ombre projetée en fonction de la hauteur du soleil dans le ciel et créent ainsi les cadrans solaires.

– Durant l’Antiquité, les prêtres romains annoncent le début du mois à chaque nouvelle Lune. Puis, Jules César introduit le calendrier solaire julien.

– En Égypte, c’est au 1er siècle que naissent les semaines de 7 jours. Dies = jours en latin.

– Durant le Moyen-Âge, la majorité des gens vit au rythme de la nature, sans connaître l’heure. Les ordres religieux, très attachés à la ponctualité, brûlent des bougies graduées pour organiser leurs journées.

– À la fin de cette époque, les commerces et activités artisanales prospèrent en ville. Le Temps doit s’envisager plus précisément. Les premières horloges mécaniques apparaissent sur les tours et clochers. Leurs cloches sonnent lors d’évènements quotidiens (comme l’ouverture des portes d’une enceinte), festifs, ou pour prévenir de dangers comme un incendie.

D’ailleurs, connais-tu la devise de la Grosse Cloche ? « J’appelle aux armes, j’annonce les jours, je donne les heures, je chasse l’orage, je sonne les fêtes, je crie à l’incendie, je pleure les morts ».

– Au début du 15esiècle, les horlogers inventent les montres de poche.

– C’est notamment grâce à l’utilisation du pendule, imaginé et amélioré entre le 16eet le 17esiècle, que les horloges mécaniques deviennent nettement plus précises. On ajoute alors au cadran une aiguille pour les minutes.

– Fin 16esiècle, le pape Grégoire XIII décrète l’usage du calendrier grégorien corrigeant ainsi les imprécisions du calendrier julien.

– En 1789, après la Révolution française, on passe au calendrier révolutionnaire.

Les mois sont découpés en période de 10 jours ; une année est égale à 12 mois de 30 jours. L’année débute le 22 septembre, le 1er vendémiaire, date de naissance de la République. Les jours complémentaires, les « sans-culottides » sont ajoutés à la fin de l’année. En 1805, Napoléon Bonaparte préfère revenir au calendrier grégorien.

– À l’ère de l’industrialisation, l’horloge organise et enregistre (avec la pointeuse) le temps de travail des ouvriers. La machine à vapeur et le chemin de fer accélèrent cette évolution. Les horlogers développent leurs productions. On crée les fuseaux horaires, le chronomètre…

 

Naissance du mouvement de Paris, ou la pendule de Paris

Les mouvements, ou mécanismes, sont fabriqués par des horlogers. À partir du 19esiècle, le métier s’industrialise, des horlogers s’installent à Paris et des fabriques se développent pour leur fournir le mécanisme. Les mécanismes sont élaborés aux trois quarts et ainsi livrés aux horlogers. Ceux-ci procèdent aux finitions comme ajuster le balancier, le cadran, le socle… C’est la naissance du mouvement de Paris (ou pendule de Paris).

Les mouvements peuvent se différencier selon les pays. En Angleterre, certains éléments sont opposés au mouvement français : ils tirent au lieu de pousser, la sonnerie se trouve à droite au lieu d’être à gauche…
Plus une pendule donne d’informations, comme la date, les marées, les équations solaires, les phases de la Lune… plus la complexité d’un mouvement est grande.

 

Quelques célèbres horlogers

Ferdinand Berthoud, 1727/1807

Maître horloger, horloger mécanicien du Roi et de la Marine, auteur de nombreux ouvrages détaillant notamment ses techniques de travail.

Principales contributions : chronomètres de marine pour déterminer avec précision la position des navires.

Abraham-Louis Breguet, 1747/1823

Maître horloger, horloger de la Marine Royale

Principales contributions : perfectionnement des mouvements d’horlogerie comme les échappements, les aiguilles à croissant de lune, le mécanisme Tourbillon.

Pierre Jaquet Droz, 1721/1790

Principales contributions : spécialiste de l’ornementation ; ajout de complications (fonctions) sur les mécanismes comme des carillons, des automates, des boîtes à musique. Création d’automates grandeur nature dont l’Écrivain, le Dessinateur, la Musicienne. Regarde-les s’animer ici.

Antide Janvier, 1751/1835

Lors de notre visite, Jean-Louis feuillette un livre dédié au célèbre maître horloger dont il est un fervent admirateur.

Au cours de sa vie, Janvier créa, sans calculs ou machines, d’impressionnantes horloges comme « une horloge départementale » affichant l’heure locale des départements et, son plus grand chef d’œuvre : « une horloge à sphère mouvante et à planétaire ». L’horloge indique l’heure solaire, les marées, les éclipses, les signes du Zodiaque, les mouvements du Soleil ; les planètes et satellites sont représentés par le planétaire…

Il faut être un véritable mathématicien pour calculer les rapports d’engrenage du mécanisme et obtenir des roues dentées donnant les minutes, les heures, l’heure solaire, les marées, les mouvements des planètes et de leurs satellites, les éclipses… Le voici en photo.

L’atelier de l’Horlogerie d’Antan

À l’atelier, Jean-Louis répare et restaure des pendules de cheminées, des pendules de Paris, des carillons, des Comtoises… Depuis 35 ans, plusieurs milliers de pendules ont retrouvé leurs tictacs après être passées entre ses mains expertes.

Notre maître horloger démonte la pendule, inspectant ainsi les pièces du mécanisme et détermine ce qu’il faut réparer, restaurer.

Dans sa vaste bibliothèque, Jean-Louis peut faire des recherches sur l’histoire de la création d’une pendule, son contexte historique et ainsi partager ces informations avec les clients curieux.

Souvent, les horloges ont subi des « bricolages » par des non-initiés qui, comme l’indique Jean-Louis, endommagent beaucoup plus la pendule qu’ils ne la remettent en état ; il faut alors plus de temps pour rattraper ces initiatives malheureuses.

Les conseils de Jean-Louis :

– Ne pas disposer la pendule près d’une source de chaleur car les mécanismes s’assèchent et cela lui est très néfaste.

– Ne pas se convertir en apprenti bricoleur, cela cause plus de dommages et entraîne plus de réparations.

Avec son grand tour d’horloger, ou ses outils à main, Jean-Louis confectionne avec minutie les pièces de la pendule comme des balanciers, des crochets, ou d’infimes éléments nécessaires au mécanisme. Tout est restauré, réparé et confectionné selon l’époque de la création de la pendule.

Une fois terminé, Jean-Louis accroche le balancier, et, en quelques secondes, peut déterminer si la pendule fonctionnera correctement.

Quelle satisfaction que de réparer un mécanisme ingénieux, de faire revivre un objet ancien, chargé en souvenirs, pour son client heureux d’écouter à nouveau sa pendule !

Les pendules que restaure le maître horloger

Qui s’intéresse à l’univers des pendules comprend que c’est un sujet extrêmement riche. Entre le côté mécanique du mouvement, l’habillage influencé par l’Histoire française, l’Architecture, la Mythologie, l’Astronomie, les matériaux comme le bronze, le bois et le marbre ou le récit des plus célèbres horlogers, on passe vite des heures entières à s’instruire !

Aussi, parce que je ne peux, en un article, aborder tous ces sujets, je préfère partager avec toi, en photo, les pendules que j’ai pu découvrir dans la boutique / atelier de Jean-Louis Duverger à l’Horlogerie d’Antan.

Les photos

Crédit photo David Da Silva

L’horloge Comtoise

C’est la pendule préférée de notre maître horloger. Et selon lui, la plus fiable et robuste pouvant fonctionner 300, 400 ans – son tictac est lent, rassurant et similaire aux battements du cœur humain ; le son sortant de la caisse en bois est profond.

Née en Franche-Comté, ce sont les paysans de la région qui ont imaginés cette grande pendule. Puis, le métier se développe, des fabriques voient le jour et la pendule comtoise prospère.

Les scènes mises en valeur sur le fronton ou parfois sur le balancier, sont souvent des thèmes religieux comme la prière ou agraires comme le labour, la cueillette, la moisson…

Ces horloges Comtoises sont symboliques car elles accompagnent la vie de famille et se transmettent de générations en générations. On l’offre comme cadeau de mariage, on l’arrête lors de décès, elle fait partie intégrante de la famille. Les clients de Jean-Louis partagent d’ailleurs avec émotions les souvenirs de leurs parents ou grands-parents remontant l’horloge.

L’horloge de la Grosse Cloche : la dernière horloge mécanique en service de la ville de Bordeaux

Toutes les semaines depuis plus de 10 ans, Jean-Louis Duverger pénètre dans la porte St-Éloi pour remonter sa pendule. En effet, au bout d’une semaine, le poids de 60 kg alimentant l’engrenage est sur le point de toucher le sol, il faut le remonter avec une manivelle pour que le mécanisme continue de fonctionner.

Le maître horloger met un peu d’huile dans les rouages, remet l’horloge à l’heure, inspecte le bon fonctionnement…

Crédit photos David Da Silva

 

L’horloge de la Grosse Cloche peut-elle tomber en panne ?

Le mécanisme de cette horloge est imposant, si bien que la casse d’une pièce pourrait venir choquer le mécanisme et ainsi causer de nombreux dégâts supplémentaires sur les dents des roues.
Aussi, pour éviter cela, l’horloge est l’une des rares à posséder 2 ancres dans son système d’échappement. Elles fonctionnent simultanément et si une dent de roue se casse, la seconde ancre prend alors le relais pour que se poursuive la bonne marche du mécanisme.

Parfois, il faut procéder à des vérifications, comme le jour où une cheville cassée s’est coincée dans le mouvement empêchant ainsi la seconde ancre de prendre le relais.

Label Entreprise Patrimoine Vivant

Depuis plusieurs années, l’Horlogerie d’Antan fait partie de ce réseau honorant les métiers perpétuant une expertise artisanale française. En effet, le label se présente comme : « une marque de reconnaissance de l’État mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence ».

Si tu veux en savoir plus ou rechercher un autre savoir-faire ou métier comme celui de notre maître horloger, suis ce lien.

Infos pratiques

L’HORLOGERIE D’ANTAN – Réparation, restauration de pendules anciennes
05 56 96 77 03 / 128 rue d’Ornano – 33000 Bordeaux / Tramway ligne A, arrêt Hôtel de police

Du lundi au vendredi : de 9h à 12h et de 14h à 18h / de 12h à 14h : sur rendez-vous

Source

La découverte du temps, science et philosophie, Wolfgang Blum, 2016

 

 

Alors, que penses-tu de l’article ? As-tu aimé pénétrer dans le monde de Jean-Louis Duverger, maître horloger de la Grosse Cloche ?

Il y a tant à découvrir sur le monde des pendules et des horlogers, j’espère qu’avec cet article, tu verras les pendules d’un autre œil ?

Si tu veux en savoir plus sur les pendules, Jean-Louis Duverger recommande de lire l’ouvrage : « l’encyclopédie de la pendule Française ».

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Fleur explore Bordeaux
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