portes monumentales à Bordeaux :

la porte Cailhau et la porte Saint-Éloi 

Portes de Bordeaux
Portes de Bordeaux
Portes de Bordeaux

Plongeons dans l’histoire de Bordeaux, plus particulièrement, celle de ses remparts et de ses portes. Car, depuis les temps gallo-romains jusqu’à nos jours, Bordeaux a tant de fois changé de visage… sans perdre la trace de son évolution. On pourrait consacrer des reportages entiers sur ces murs, ces portes et ces tours disparus. Mais aujourd’hui, je te propose un focus sur deux monuments de Bordeaux : les portes Cailhau et Saint-Éloi.

 

Bordeaux, bref histoire des remparts

Une Première enceinte, fin IIIsiècle

Durant l’Antiquité, Burdigala (nom de la ville à l’époque) est florissante, paisible et ouverte. Puis, vers l’an 276, tout bascule et il s’ensuit une période de troubles et d’invasions. Des barbares Germains envahissent la ville et la réduisent en cendres. Burdigala se retrouve ravagée. Des sites monumentaux comme l’amphithéâtre (le palais Galien) et le temple de Tutelle sont en ruines. Alors, Bordeaux décide de se protéger de futurs assauts en érigeant des remparts. Bordeaux devient une ville fortifiée, un castrum.

 

À quoi ressemblait le rempart ?

La muraille, de plus de 4 mètres d’épaisseur, atteint 9 mètres. Ceinte de fossés, elle encercle la ville – maintenant réduite – sur plus de 2 km. 46 tours, dressées tous les 50 mètres, défendent le castrum. Ses fondations sont notamment construites avec les restes des édifices détruits. Important : la position de l’enceinte est déterminée par l’estey, La Devèze, cours d’eau s’ouvrant sur la Garonne et servant de port à la ville.

À l’intérieur, un tracé à la romaine avec deux artères principales façonnant la cité. Le cardo maximus (notre future rue Sainte-Catherine) relie le nord vers le sud et rencontre le decumanus maximus qui, lui suit le soleil en passant d’est en ouest (longeant le cours du Chapeau Rouge qui était un fossé).

 

Les premières portes de la ville

Par ailleurs, quatre portes permettent l’entrée dans la ville.

• Porte Médoque est située vers la place de la Comédie.

• Cadène est côté rue du Loup (proche du croisement Sainte Catherine/cours Alsace-Lorraine).

• Jovia mène au quartier Saint-Seurin.

• Navigère ouvre vers le port intérieur formé par la Devèze (aujourd’hui le quartier Saint-Pierre) et abrite la flotte de la ville.

Puis, au Xᵉ siècle, deux nouvelles portes voient le jour : la porte Begueyre, proche de la porte Cadène, et la porte Basse, rue Cheverus.

 

édification du deuxième rempart, début XIIIsiècle

Les siècles ont passé, Bordeaux s’est agrandi. Un faubourg important s’est développé hors les murs : le faubourg Saint-Éloi, à hauteur du quartier de la Rousselle. Fréquenté des marchands bourgeois – travaillant dans le commerce maritime – et des jurats, il faut le protéger ; notamment des vues espagnoles. Le palais de l’Ombrière résidence des rois ducs est tout proche. On érige par conséquent un deuxième rempart. Une cinquantaine de tours et six nouvelles portes, dont la porte Saint-Éloi, sont ajoutées.

• Porte des Ayres s’ouvre en direction de Pessac, Talence et Mérignac.

• Toscanan, proche du cours Alsace Lorraine, s’adosse au rempart gallo-romain.

• Porte de la Rousselle se situe au sud, près de la Garonne. Son nom provient du gascon « Rosseu » qui rappelle le poisson, la roussette ou rousselle. C’est autour de ce quartier que le commerce maritime poursuit son essor.

• Cayffernan se situe à l’angle de la rue Sainte-Catherine et du cours Alsace Lorraine.

• Par Bouquière passe le bétail pour nourrir les habitants. Elle se situe rue Bouquière où se trouvent les bouchers de la ville.

 

Porte monumentale : la porte saint-éloi, la “grosse cloche”

à découvrir sur la porte saint-éloi 

• L’édifice abritant la cloche est la seule partie restante d’un ensemble défensif construit au XIIIe siècle. En effet, à l’origine, la porte est entourée de quatre tours auxquelles s’en sont ajoutées deux. Il est possible de découvrir une partie des fondations en se rendant au magasin Brico-Relais. Sinon, en collant ton nez à la vitrine de la banque, tu devrais apercevoir un pan de mur provenant d’une autre tour. C’est cette porte cernée de tours qui est représentée sur les armoiries de la ville au Moyen Âge.

• Construite en 1246, la porte Saint-Éloi est traversée par les pèlerins de Compostelle. En outre, il ne faudrait pas prononcer « rue Saint-James » à l’anglaise puisque ce nom nous vient du gascon et rappelle le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle.

• Ces remparts du XIIIe siècle sont aussi le symbole du pouvoir local et des libertés communales attribuées, plutôt dans le siècle, à la Jurade.

• L’horloge, côté cours Victor Hugo, imaginée en 1759 par le mathématicien astronome Larroque, affiche les jours de la semaine et les mois (plus maintenant). Au-dessus, un cadran gradué de 0 à 15, donne précisément l’heure solaire (qui n’est pas exactement de 24h). Un exemple : si l’horloge affiche 12h00 et le cadran « +5 », il est 11h55 en heure solaire.

  • De plus, savais-tu que l’horloge côté rue St-James est remontée toutes les semaines par un maître horloger ?

Punir les bordelais en décrochant la cloche

• L’édifice portant la grosse cloche fait aussi office de prison. À l’intérieur, les détenus entaillent les murs de dessins, de mots ou comptent les jours. Il reste des traces de ses graffitis que tu peux découvrir lors de la visite guidée. Pendant leurs incarcérations, il se dit que ces prisonniers logent à « l’hôtel du Lion d’Or » en référence à la girouette de la porte représentant un lion doré.

Ensuite, Saint-Éloi devient un beffroi au XIVe siècle. Lorsque les Bordelais se révoltent contre les taxes et les impôts, comme contre la gabelle en 1548, les rois de France les punissent en décrochant la cloche et en la plaçant sous verrous au château Trompette (nom provenant du ruisseau Tropeyte).

La cloche actuelle, baptisée Armande-Louise, est fondue en 1775 et pèse 8 tonnes. À l’intérieur de celle-ci est inscrit en latin : « Mes coups marquent le temps, ma voix appelle aux armes, j’ai des chants pour tous les bonheurs, pour tous les morts, j’ai des larmes ». La devise de la cloche : « J’appelle aux armes, j’annonce les jours, je donne les heures, je chasse l’orage, je sonne les fêtes, je crie à l’incendie, je pleure les morts. »  La cloche prévient des incendies et annonce le début des vendanges. Aujourd’hui, elle retentit à midi le 1er dimanche de chaque mois, de même que le 1er janvier, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 28 août et 11 novembre.

Porte Saint-Éloi

troisième et dernier rempart, début XIVsiècle

Bordeaux continue de se développer. Autrement dit, un nouveau rempart devient nécessaire pour encercler les quartiers Saint-Michel, Sainte-Croix et Trompeyte. 19 nouvelles portes servent d’entrées, dont la seconde porte Cailhau, la porte des Salinières (ou porte de Bourgogne), la porte Dijeaux et la porte Saint-Julien (place de la Victoire). Cette fois-ci, en plus d’employer les matériaux des édifices en ruine, on récupère aussi les pierres déchargées par les navires. Au fil des siècles, on ajoute de nombreuses portes décoratives aux remparts de la ville.

 

Porte monumentale à Bordeaux : la porte Cailhau

• Notre porte Cailhau d’aujourd’hui n’est pas l’originelle. La première était située vers la rue Chai-des-Farines.

• L’actuelle porte Cailhau est construite à la demande des Jurats en 1496 pour célébrer la victoire de Charles VIII à Fournoue.

• Il s’agit du premier monument construit en l’honneur d’un roi français alors que la France vient de re-acquérir Bordeaux en 1453 ; suite à 300 ans d’appartenance à l’Angleterre. Ce geste est un signe d’estime pour la France.

• En plus d’être une entrée monumentale gothique, la porte Cailhau, avec ses herses, meurtrières et mâchicoulis, est une porte défensive.

  • Par ailleurs, c’est par la porte Cailhau que l’on accède à la résidence des rois ducs, le palais de l’Ombrière. Érigé à la fin du Xe siècle, il prenait appui sur le rempart gallo-romain. À partir du 15e siècle, il abrite le Parlement.

• Côté quai, la niche située au milieu de la porte représente le roi ; celle de gauche, l’archevêque cardinal d’Epinay présent lors de la bataille de Fournoue et à droite, Saint-Jean-Baptiste, patron de la Jurade.

• L’origine du nom de la porte fait débat : proviendrait-il des cailloux délestés par les navires ou du nom de l’ancienne famille Calhau dont plusieurs membres furent maires de Bordeaux ?

Porte Cailhau

où apercevoir en ville quelques vestiges des remparts 

Dans mon article sur la tour Pey-Berland, j’explique que la façade orientale de la cathédrale est nue, car elle s’appuyait sur ce rempart gallo-romain. Mais tu peux aussi te rendre :

• Passage de la Tour de Gassies. Près de la rue des Argentiers, se trouve un «gros caillou » qui est un vestige de la tour de Gassies, faisant partie du rempart gallo-romain.

• S’il est accessible, le jardin des remparts, à côté du marché des Capucins. Ici reposent des fortifications du rempart du XIVe siècle.

• À l’intérieur de la cour de l’école des Beaux-Arts (rue des Beaux-Arts, quartier Sainte-Croix), la fontaine s’adosse à un pan de mur du XIVe siècle.

• L’hôtel Tour-Intendance, rue de la Vieille-Tour (à proximité du cours de l’Intendance), abrite les fondations de la tour du Canon du rempart gallo-romain.

 

Informations pratiques

Visite de la porte Saint-Éloi

Tarif unique 6 €. Rendez-vous : angle de la rue Saint-James et de la rue de Guienne. Durée : environ 30 minutes. Horaires à vérifier.

 

Visite de la porte Cailhau

Rendez-vous place du Palais. Horaires à vérifier. Dernière visite 30 minutes avant la fermeture. Tarifs 7 €  et gratuit avec le Bordeaux Métropole City Pass. Gratuité également pour les enfants de moins de 12 ans accompagnés. Plus d’informations sur le Bordeaux City Pass.

 

Sources

• Bordeaux disparu et secret, Antoine Lebègue, 2005

• Guide le Festin, Bordeaux Patrimoine mondial de l’UNESCO, Dominique Dussol, 2017

• Bordeaux méconnu et alentours, Jean-Marie Beuzelin, 2019

• Guide du Bordeaux médiéval, Annick Bellegarde, 2019

• Portes et Tours de Bordeaux, Les Dossiers d’Aquitaine, 2014

Crédit photos David Da Silva

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