comprendre le monument aux girondins 

Naissance du projet

Entre 1881 et 1883, la municipalité émit le souhait d’ériger sur les allées de Tourny un monument à la mémoire des Girondins, groupe de députés – dont certains étaient originaires du département – persécutés et tués durant la Terreur.

Par ailleurs, le sculpteur Auguste Bartholdi avait aussi travaillé sur un projet de fontaine place des Quinconces : la “Fontaine de Neptune”. Le temps passant, l’artiste vend finalement son projet à la ville de Lyon. L’œuvre est aujourd’hui située Place des Terreaux.

La ville de Bordeaux sélectionne alors l’idée du sculpteur Alphonse Dumilâtre. Le monument sera placé sur la grande place des Quinconces. Réalisé entre 1893 et 1902, il comprendra trente-quatre personnages et animaux faits de bronze de Keller. L’architecte nommé est Victor Rich.

Un monument aux Girondins… sans girondins

Le plan initial devait inclure les statues des Girondins, mais, selon différentes sources (faute de budget, un incendie dans l’atelier, une discorde entre la mairie et le sculpteur…), elles ne virent jamais le jour. Aujourd’hui, on peut apercevoir, au pied de la colonne, deux socles vides qui leur étaient destinés, l’un tourné vers le Grand Théâtre, l’autre côté Jardin Public.

Ce monument, dédié aux Girondins et au triomphe de la République et de la Concorde, est donc sans Girondins.

le monument aux girondins côté garonne

Le coq gaulois, attribut de la France, se dresse sur le pupitre de l’Assemblée Nationale. Il est entouré de l’Éloquence et de l’Histoire, deux qualités que devaient posséder les députés de l’Assemblée Nationale.

Il célèbre le lever du soleil, l’arrivée de la lumière. C’est la fin de l’obscurantisme monarchique, la fin de la révolution et le début de la République.

Le génie de la Liberté

Au-dessus, s’érige une colonne haute de 43 mètres décorée d’une branche de chêne. Elle est dominée par le génie de la Liberté brisant les chaines du joug monarchiste et brandissant la palme de la victoire.

En dessous du génie, on aperçoit la lettre “G” pour Girondins et le croissant de lune symbole de Bordeaux. Le fleuve Garonne formant, en le traversant, un croissant de lune.

Le génie de la Liberté est visible depuis de nombreux points de la ville.

côté place de la comédie : le triomphe de la république

Cette fontaine représente le triomphe de la République. Elle voyage dans le monde tel un cortège de Poséidon. Chaque personnage est une allégorie.

À droite, trois chérubins + lisant un livre, avec un globe ou récitant l’alphabet – évoquent l’instruction publique. À gauche, on aperçoit le licteur, le canonnier et le porteur de l’étendard, soit le service militaire.

La statue couronnée, représentant la République, est en haut du char. Elle est fière, altière et porte les symboles du pouvoir. Elle brandit un sceptre symbolisant la puissance militaire et civile. Son autre main tient un globe sur lequel, par le passé, étaient disposées trois figurines : la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Aujourd’hui, elles ont disparu. On raconte qu’elles ont été volées puis revendues à un riche collectionneur américain lorsque les pièces du bassin furent déboulonnées durant la Seconde Guerre Mondiale…

À ses pieds, un forgeron en tablier tient un marteau : il personnifie le Travail. À côté, la femme allongée détient un glaive. Elle symbolise la Sécurité et le lion la Force.

un char composé de chevaux poissons et reptiles

Les chevaux tirant le char sont soit marins, avec des nageoires et des écailles, soit reptiles, avec des queues. Afin de répandre les valeurs universelles de la République, ils doivent pouvoir traverser terres et océans.

La République et ses bases jettent dans les abîmes, trois personnages : le Vice avec ses oreilles de cochon, le Mensonge et son masque et l’Ignorance se voilant la face. L’obscurantisme a perdu face à la lumière.

Monsieur Cessateur racontait que le sculpteur Dumilâtre était très narcissique : il se vénérait. Il aurait alors créé son portrait dans le personnage du Mensonge. On écrira, que la plus belle œuvre du monument est M. Dumilâtre…

De part et d’autre de la fontaine, on remarque sculpté en pierre, Bacchus le dieu du vin.

le monument côté allées de tourny

Au plus haut, Madame Bordeaux est assise sur sa corne d’abondance. Son sceptre renvoie à la puissance du commerce maritime.

Elle est entourée des fleuves Dordogne et Garonne.

côté jardin public : le triomphe de la concorde

La seconde fontaine évoque le triomphe de la Concorde.

Les trois enfants sont les Arts et les Sciences. On retrouve la Peinture avec sa palette, la Sculpture avec son maillet et la Musique avec sa lyre. La musique est le plus noble des arts et s’apparente à l’astronomie, car, selon les théories néoplatoniciennes, les planètes sont gouvernées par l’harmonie. Sans cela, le chaos régnerait, les planètes s’entrechoqueraient. L’univers est donc une musique. C’est pour cette raison que la musique couronne la peinture.

Comme dans l’autre bassin, on peut voir des crapauds et des salamandres accompagnant le cortège.

La Concorde brandit un rameau d’olivier, symbole de la Paix. Devant elle, l’ouvrier et le citadin, main dans la main, représentent la réconciliation sociale.

Prospérité en temps de paix

À côté, l’Abondance sème des fleurs. En temps de paix, les récoltes sont généreuses.

Dans cette concorde républicaine, on prospère. Le commerce du vin est illustré par l’enfant placé sur une barrique et tenant le caducée d’Hermès, le dieu du commerce. Les deux autres enfants comptent sur leurs doigts et réfléchissent aux futures affaires.

De tout cela naît une famille heureuse, baignant dans le bonheur et la paix républicaine. Un héritier chevauche un dauphin.

les péripéties du monument aux girondins

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Commission à la Récupération des Métaux non Ferreux collecte toute sculpture susceptible d’être fondue pour en faire des canons. La fontaine des Girondins subit donc ce sort : 52 tonnes de bronze sont ainsi vendues 30 francs le kilo.

Plus tard, on découvre que les allemands ont soigneusement démonté les sculptures. Les destinaient-ils aux canons ou voulaient-ils décorer une ville en Allemagne ?

Les sculptures sont retrouvées en gare d’Angers en octobre 1944. Rapatriées à Bordeaux le 5 juillet 1945, elles seront abandonnées pendant presque 40 ans au nord de la ville. C’est grâce à une association de passionnés qu’elles seront restaurées en 1983.

le secret du génie de la liberté

Monsieur Cessateur m’a confiée une autre anecdote formidable.

En 2005, la mairie veut restaurer le monument. Le génie pose soucis : avec ses 11 tonnes, il est très lourd. De plus, son support a bougé et le rend très instable.

Le génie fut réalisé par les compagnons du devoir, et, un monument exécuté de leurs mains contient toujours un secret : un tailleur de pierre cache un objet, un charpentier grave une coupe…Il y a donc certainement un secret renfermé dans ce monument.

qu’a-t-on trouvé à l’intérieur ?

Lorsqu’on soulève la partie basse du génie, de la taille au socle de la colonne, on découvre que la dernière marche de l’escalier de la colonne est creuse et qu’à l’intérieur de cette niche est logée une pièce de Napoléon III en bronze. Quelle découverte !

Après sa restauration en 2005, la pièce et le secret des compagnons est remis dans sa cachette. Les restaurateurs du génie demandent à la Monnaie de Paris de frapper une pièce spécialement dédiée au monument : une pièce en argent d’1.50 € datant de 2006. Elle se trouve aujourd’hui aux côtés de la pièce des compagnons du devoir. Monsieur Cessateur a eu le privilège de toucher cette pièce.

Enfin, en octobre 2010, le monument est classé Monument Historique.