Les portes de Bordeaux – focus sur la porte Cailhau et la porte Saint-Éloi (grosse cloche)
Aujourd’hui, je t’invite à plonger dans l’histoire de Bordeaux, plus précisément, dans celle de ses remparts, ses portes et ses tours.
Depuis les temps gallo-romains jusqu’au XVIIIesiècle, Bordeaux a changé plusieurs fois de visage ! Des murs érigés, des portes bâties, puis détruites…
On pourrait consacrer des ouvrages entiers sur toutes les portes et tours de Bordeaux. Aussi, aujourd’hui, je te propose un focus sur 2 monuments incontournables : les portes Cailhau et Saint-Éloi.
C’est parti pour la découverte de la ville !
Bordeaux, histoire d’une cité fortifiée
Le 1er rempart du IIIe siècle
Au temps des Romains, Burdigala (nom de Bordeaux à l’époque) est une ville florissante, paisible et ouverte.
Tout bascule en 276, lorsque des barbares Germains envahissent la cité et la réduisent en cendres. En quelques jours, la ville n’existe plus ; des monuments comme l’Amphithéâtre (le palais Galien) et les Piliers de Tutelle sont en ruines.
Bordeaux décide alors de devenir une ville forte et de se protéger de futures attaques en érigeant des remparts. Elle se transforme en castrum.
À quoi ressemblait le rempart ?
La muraille, de plus de 4 mètres d’épaisseur, est haute de 9 mètres. Accompagnée de fossés, elle contourne la ville sur plus de 2 kms. 46 tours, dressées tous les 50 mètres, défendent ce castrum. Ses fondations sont construites avec les restes des édifices détruits.
À l’intérieur, 2 artères principales façonnent la cité : le cardo maximus (notre rue Sainte-Catherine) fait route du Nord vers le Sud et rencontre le decumanus maximus qui passe d’Est en Ouest (à côté du cours du Chapeau Rouge qui était un fossé).
Les premières portes de la ville
Lors de l’édification de cette enceinte, 4 portes permettent l’entrée dans la ville.
• La porte Médoque est située vers la place de la Comédie.
• La porte Cadène est côté rue du Loup (proche du croisement Sainte Catherine/cours Alsace-Lorraine).
• La porte Jovia mène au quartier Saint-Seurin.
• La porte Navigère ouvre vers le port intérieur de la Devèze (aujourd’hui le quartier Saint-Pierre) et garde à l’abri la flotte de la ville.
Puis, au Xesiècle, 2 nouvelles portes voient le jour : la porte Begueyre, proche de la porte Cadène, et la porte Basse, rue Cheverus.
Le 2e rempart, début XIIIe siècle
Les siècles ont passé, Bordeaux s’est agrandit et de nouveaux faubourgs sont nés.
Il faut à présent protéger celui de la Rousselle ainsi que le palais de l’Ombrière en les intégrant dans l’enceinte. On érige alors un deuxième rempart, extension du premier. Une cinquantaine de tours et 6 nouvelles portes, dont la porte Saint-Éloi, sont ajoutées.
• La porte des Ayres s’ouvre en direction de Pessac, Talence et Mérignac.
• La porte Toscanan, proche du cours Alsace Lorraine, s’adosse au rempart gallo-romain.
• La porte de la Rousselle se situe au Sud, non loin port. Son nom provient du gascon « Rosseu » qui rappelle le poisson la roussette ou rousselle.
• La porte Cayffernan croise à l’angle de la rue Sainte-Catherine et du cours Alsace Lorraine.
• La porte Bouquière fait entrer le bétail pour nourrir les habitants. Elle se situe rue Bouquière où se trouvent les bouchers de la ville.
La porte saint-éloi ou grosse cloche
Il y a tant à dire sur cette porte. C’est un monument auquel les Bordelais sont attachés depuis toujours !
Je te suggère de participer à la visite guidée organisée par l’Office de Tourisme pour la découvrir dans ses moindres détails. En attendant, voici un avant-goût.
11 infos et anecdotes à connaître sur la porte saint-éloi (la grosse cloche)
• La grosse cloche est la seule porte restante des remparts du XIIIesiècle. C’est un emblème de la ville que l’on retrouve sur ses armoiries depuis le Moyen-Âge.
• Construite en 1246, elle se nomme « porte Sent-Jacmes » car les pèlerins de Compostelle la traversent.
D’ailleurs, il ne faudrait pas prononcer « rue Saint-James » à l’anglaise car ce nom nous vient du gascon.
• Elle est érigée pour glorifier le pouvoir local, la Jurade, protéger leur maison, ainsi que l’église Saint-Éloi, bâtie au XIVesiècle dans le prolongement des remparts.
• La grosse cloche devient un beffroi au XVIesiècle.
À l’intérieur, les prisonniers entaillent les murs de dessins, de mots ou comptent les jours. Il reste des traces de ses graffitis que tu peux découvrir lors de la visite guidée. Pendant leurs incarcérations, on dit que ces prisonniers logent à « l’hôtel du Lion d’Or » en référence à la girouette représentant un lion doré.
• Plus qu’une girouette, elle annonce aussi la météo: «lorsque le lion pisse dans la Garonne, il pleut; lorsqu’il boit dans la Garonne, il fait beau » !
Dorénavant plutôt que de consulter le temps qu’il fait sur ton smartphone, lève les yeux vers le lion de la grosse cloche !
• L’horloge, côté cours Victor Hugo, imaginée en 1759 par le mathématicien astronome Larroque, affiche les jours de la semaine et les mois (plus maintenant).
Au-dessus, un cadran gradué de 0 à 15, donne précisément l’heure solaire (qui n’est pas exactement de 24h). Un exemple : si l’horloge affiche 12h00 et le cadran « +5 », il est 11h55 en heure solaire.
• Lorsque les Bordelais se révoltent contre les taxes et les impôts, comme contre la gabelle en 1548, les rois de France les punissent en décrochant la grosse cloche et en la plaçant sous verrous au château Trompette (nom provenant du ruisseau Tropeyte).
• À l’origine, la porte est entourée de 4 tours auxquelles on en ajoute 2. En 1449, on finit par n’en conserver que 2.
Tu peux en découvrir les fondations en te rendant au magasin brico relais. En face, colle ton nez à la vitrine du crédit Lyonnais pour apercevoir un pan de mur provenant d’une autre tour.
• La cloche actuelle, baptisée Armande-Louise, est fondue en 1775 et pèse 8 tonnes.
À l’intérieur de celle-ci est inscrit en latin : « Mes coups marquent le temps, ma voix appelle aux armes, j’ai des chants pour tous les bonheurs, pour tous les morts j’ai des larmes ».
• La devise de la cloche :
« J’appelle aux armes, j’annonce les jours, je donne les heures, je chasse l’orage, je sonne les fêtes, je crie à l’incendie, je pleure les morts».
La cloche prévient aussi des incendies et annonce le début des vendanges.
• Aujourd’hui, elle retentit à midi le 1er dimanche de chaque mois de même que les 1er janvier, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 28 août et 11 novembre.
photos de la grosse cloche
Crédit photos David Da Silva
Le 3e et dernier rempart, début XIVe siècle
Bordeaux poursuit son développement. Un nouveau rempart devient nécessaire pour encercler les quartiers Saint-Michel, Sainte-Croix et Trompeyte.
19 nouvelles portes servent d’entrées dont la seconde porte Cailhau, la porte des Salinières (ou porte de Bourgogne), la porte Dijeaux et la porte Saint-Julien (place de la Victoire).
Cette fois-ci, en plus d’employer les matériaux des édifices en ruine, on récupère aussi les pierres déchargées par les navires.
Au fil des siècles, on ajoute de nombreuses portes décoratives aux remparts de la ville.
7 infos et anecdotes à connaître sur la porte Cailhau
• Notre porte Cailhau d’aujourd’hui n’est pas l’originale. La première était située vers la rue Chai-des-farines dans le rempart du XIVesiècle.
• La porte Cailhau actuelle est érigée à la demande des Jurats en 1496 pour célébrer la victoire de Charles VIII à Fournoue.
• C’est le premier monument construit en l’honneur d’un roi français alors que la France vient de regagner Bordeaux en 1453, après 300 ans d’appartenance à l’Angleterre.
Ce geste démontre un signe d’estime pour la France de la part des Bordelais.
• Avec ses herses, meurtrières et mâchicoulis, cette porte gothique du Moyen-Âge, en plus d’être une entrée monumentale, défend la ville de Bordeaux.
• Côté quai, la niche située au milieu de la porte représente le roi, celle de gauche, l’archevêque Cardinal d’Epinay présent lors de la bataille de Fournoue et à droite Saint-Jean Baptiste, patron de la Jurade.
• L’origine du nom de la porte fait débat : proviendrait-il des cailloux délestés par les navires ou du nom de l’ancienne famille Calhau dont plusieurs membres furent maires de Bordeaux ?
• Derrière la porte Cailhau se trouvait le palais de l’Ombrière. Il fut érigé à la fin du Xe siècle et prenait appui sur le rempart gallo-romain. Il abrite le parlement à partir du XVesiècle.
Si tu veux plus de détails sur l’histoire des tours et portes de Bordeaux, je te recommande les ouvrages suivants :
• Guide du Bordeaux médiéval (qui propose des itinéraires de balades autour des remparts).
• Portes et tours de Bordeaux, Dossiers d’Aquitaine 2014, propose des photos des portes et des cartes des remparts.
photos de la porte cailhau
Crédit photos David Da Silva
Où peux-tu apercevoir quelques vestiges de ces remparts ?
Dans mon article sur la tour Pey-Berland, j’expliquais que la façade orientale de la cathédrale est nue car elle s’appuyait sur ce rempart gallo-romain. Mais tu peux aussi te rendre :
• Dans le passage de la Tour de Gassies, près de la rue des Argentiers, pour trouver un «gros caillou » qui est un vestige du rempart gallo-romain.
• Au jardin des remparts, à côté du marché des Capucins, pour découvrir les fortifications du rempart du XIVesiècle.
• À l’intérieur de la cour de l’école des Beaux-Arts (rue des Beaux-Arts, quartier Sainte-Croix), la fontaine s’adosse au rempart du XIVesiècle.
• L’hôtel Tour-Intendance, rue de la Vieille-Tour (à proximité du cours de l’Intendance), abrite les fondations de la tour du Canon du rempart romain.
Informations pratiques
Visite de la grosse cloche
Tarif unique 5 € et gratuit avec le Bordeaux Métropole City Pass.
Rendez-vous : angle de la rue Saint James et de la rue de Guienne.
Durée : environ 45 minutes.
Du 01/03/2019 au 30/11/2019, ouvert tous les jours.
• Mars à mai et d’octobre à novembre : visite sur réservation tous les samedis de 14h à 17h (à 14h, 14h45, 15h30 et 16h15). Billets en vente à l’Office de Tourisme.
• Juin à septembre : visite tous les jours toutes les 45 minutes de 13h à 19h par groupe de 5 personnes, billets en vente sur place.
Visite de la porte Cailhau
Rendez-vous: place du Palais.
Visite libre sans réservation, dernière visite 30 minutes avant la fermeture.
Tarifs 5 € / 3,50 € tarif réduit et gratuit avec le Bordeaux Métropole City Pass.
Gratuité également pour les enfants de moins de 12 ans accompagnés.
Plus d’informations sur le Bordeaux City Pass.
Mes sources
• Bordeaux disparu et secret, Antoine Lebègue, 2005
• Guide le Festin, Bordeaux Patrimoine mondial de l’UNESCO, Dominique Dussol, 2017
• Bordeaux méconnu et alentours, Jean-Marie Beuzelin, 2019
• Guide du Bordeaux médiéval, Annick Bellegarde, 2019
• Portes et Tours de Bordeaux, Les Dossiers d’Aquitaine, 2014
Alors, que penses-tu de l’article ?
As-tu aimé plonger dans l’histoire des remparts et portes de Bordeaux ? Peut-être, lorsque tu te promèneras, les verras-tu différemment…
Connais-tu d’autres anecdotes ou vestiges libre d’accès que l’on pourrait découvrir ? Laisse-moi un commentaire!
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Coucou j’aime bien votre site, c’est très complet et intéressant, ce qui est plutôt rare, ça m’a bien aidé pour mon exposé EPI
Merci ! Votre exposé était sur Bordeaux ?