street art bordeaux : à la rencontre de ladybug 

LadyBug

Festival Peinture Fraîche, Lyon

LadyBug

Sculpture sur acier rouillé, percé à la main au foret sur colonne

LadyBug et le Secours Populaire

Parages & Partages, Secours Populaire, (44)

Crédit photos LadyBug

« À la base, c’était pas des petits points, c’était des carrés ! »

En imaginant la technique du pointillisme en pochoir, la talentueuse LadyBug se démarque des autres street artistes. Aujourd’hui, pénètre dans son univers en découvrant : comment elle en est arrivée là, son processus créatif, son art et les valeurs qu’elle véhicule !

 

ladybug, les débuts

« La première fois que j’ai eu un pinceau dans ma main, que j’ai vraiment commencé à peindre, j’avais 27 ans.

J’ai fait des études de graphisme et 10 ans en tant que graphiste freelance. J’aimais car c’est très technique, je ne faisais pas de créa, uniquement de l’exécution, et je naviguais entre plusieurs entreprises. Mais au bout d’un moment je me suis rendue compte que je ne me plaisais pas dans ce travail là. Ça me gênait d’être un maillon de la chaine contribuant à vendre des produits avec lesquels je n’étais pas en accord éthiquement. »

 

une prise de conscience

« Ça a commencé juste par un mal-être sans pouvoir mettre des mots dessus. Au bout d’un moment je prenais de moins en moins de contrats, j’avais de moins en moins envie d’y aller. Quand on me sollicitait je disais non ; jusqu’à un moment où j’y allais plus du tout. Et donc je me suis retrouvée à passer beaucoup de journées chez moi et à lentement tomber dans une sorte de dépression… Je sais pas quel mot on peut mettre dessus, un burn out, un gros questionnement sur ma vie… J’allais très mal et dans ce mal-être je voulais pas me laisser sombrer. Hors de question ! Je me suis demandée ce qui pouvait me faire du bien ; quelque chose, une petite chose qui me fasse du bien dans la journée… Je me suis vachement questionnée et je me suis dit qu’est-ce que j’ai envie de faire ? »

 

le déclic

« Je me suis rendue compte que ça fait des années et des années que j’ai envie de dessiner, envie de peindre mais je ne me l’autorise pas. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être car je suis issue d’une famille d’artistes. J’ai dû faire un blocage… J’ai vu ma maman galérer pour vivre de son art. Maintenant elle en vie très bien ; mais j’ai vu toute cette phase de galère et peut-être que ça m’a créé un blocage, de me dire que jamais je ferai un métier créatif. »

« J’ai eu un déclic quand j’ai vu une expo à Nantes, à la villa Ocupada : un lieu de street art éphémère comme on en voit plein maintenant. Je vois des œuvres de street artistes et ça me fait un électrochoc. Je sors de là en pleurant sans trop comprendre pourquoi… Pourquoi je fais pas ça ? J’me suis dit : j’ai l’impression que je suis capable mais je m’en donne pas les moyens. Et, depuis des années, à chaque Noël ou anniversaire, on m’offrait des tubes de peinture ou du matériel à dessin. J’avais une armoire remplie de trucs neufs. Dès que je les touchais je me mettais à pleurer. C’était un truc latent qui était là et qui demandait qu’à sortir ; et cette expo m’a fait prendre conscience de la beauté de ce que pouvait être le street art : peindre directement sur un mur, se balader… C’est pas de la toile. C’est une des premières fois où je pouvais voir vraiment ce qu’ était l’art, autrement. »

 

l’envie de peindre dans la rue

« Donc je me suis dit : j’ai envie de peindre et de sortir de chez moi. Est-ce que j’peux pas coupler ça ? Faut que je trouve un truc à faire en street art, un truc à faire dehors. Je me suis dit ça va me forcer à sortir de chez moi et me forcer à peindre. Au départ c’était pas dans l’optique de montrer mon travail, encore moins de l’exposer ou de le vendre. J’y pensais même pas et j’étais même très pudique en fait. Même à mes amis, à ma famille je montrais pas ce que je faisais. C’était juste pour me lancer ce défi qui, je pensais, allait me faire du bien. »

« J’voulais un truc rapide et c’est ça qui m’a amené vers le pochoir : j’voulais trouver une technique qui se fasse rapidement. Vu que j’étais dans la dépression, j’voulais pas voir du monde. J’voulais juste sortir de temps en temps une petite heure de chez moi et point barre. Pas me lancer sur des trucs immenses ; et j’aimais bien l’idée de préparer la chose en amont chez moi, dans mon petit cocoon, et de faire juste le final dans la rue. Ça me plaisait bien ce concept-là. »

 

développer sa propre technique

« Et donc suite à ça, j’voulais trouver ma propre technique de pochoir. J’avais pas envie de faire comme un tel ou un tel. Chez les pochoiristes, on voyait beaucoup de techniques de silhouette ou de différents layers. J’ai cogité : j’voulais faire un pochoir rapide et techniquement simple, que je puisse le réutiliser, qui se déchire pas, que je puisse rouler facilement et c’est là que j’ai pensé au pointillisme… »

 

la naissance du pointillisme

« À la base c’était pas des petits points c’était des carrés ! Je suis même allée voir un monsieur qui travaille le métal pour qu’il me fabrique un emporte-pièce carré. J’ai essayé plein de techniques. Ça n’a pas fonctionné : j’étais en appart, ça faisait beaucoup trop de bruit, c’était extrêmement long, j’arrivais pas à avoir des carrés assez petits. 1cm par 1cm, c’était beaucoup trop grand pour ce que je voulais faire, pour le détail de ce que je voulais avoir. »

 

le jeu entre ombre et lumière

« J’utilise toujours le même diamètre de point, et c’est le fait de les rapprocher des uns des autres ou de les éloigner, qui donne cet effet de lumière plus ou moins intense. La proximité des trous joue avec l’ombre et la lumière. Ça prend énormément de temps : pour une pièce de 3 mètres x 3 mètres, je mets 3 semaines à faire des petits trous. Vu que les petits trous sont assez petits, le pochoir a une durée de vie limitée. Plus je le bombe, plus les trous rétrécissent et donc en fait, je le teste même pas. Les premiers, je les ai testés sur une grande feuille en papier, je faisais une première impression comme ça et j’allais dans la rue. Maintenant je me fais confiance. Et avant de passer au pochoir j’avais évidemment fait des essais en peinture, en dessin, en feutre. J’avais déjà bossé la technique du petit point à la main. »

 

ladybug entre en scène

« Petit à petit j’ai trouvé le bon outil et j’ai créé mon premier pochoir en 2015. Je suis tout de suite partie sur des portraits. Je le mets dans la rue et je signe avec mon nom d’artiste « LadyBug ». Ensuite c’est allé très vite. Je sais pas si c’était le bon moment, si les planètes étaient alignées… À ce moment-là je créais un compte Insta pour faire un book et en fait, les gens me retrouvaient facilement sur le réseau, prenaient des photos… Et ça a eu un effet boule de neige. J’ai eu ma première expo et des gens de la mairie d’Orvault sont venus la voir et hop, ils m’ont proposée une autre expo, m’ont fait des commandes de murs… Ça s’est enclenché comme ça alors que c’était pas du tout dans mon optique d’en faire un métier ! »

 

 

Et aujourd’hui, voici l’art de LadyBug ! Regarde ce que ça donne :

Résidence Golden Age

Golden Age, lieu street-art éphémère  (44)

LadyBug

Festival Plein Champ, Le Mans

@ladybugnantes

Village de pêcheur de Trentmoult (44)

Street art
LadyBug

Impression sur bâche géante pour un centre commercial à Shangaï

Crédit photos LadyBug

« Aujourd’hui, je fais des murs, des toiles, du mobilier et même des sculptures ! C’est ça qui est génial avec le pochoir et cette technique-là. Et puis avec le street art en général, n’importe qui peut peindre n’importe où. Je travaille aussi beaucoup avec les enfants, les jeunes de quartiers, des migrants… Ce sont des publics qui, en général, ont pas accès au milieu de l’art. Au départ, les ados sont très sceptiques et au bout d’une demi-heure, ils ont la banane. J’leur dis « faites-vous plaisir, y’a pas de note à la fin. » J’aime casser les codes du rapport “prof – élève”, je fais tout pour détendre l’atmosphère, limite je lance la bataille d’eau en plein milieu de l’atelier. J’essaie de créer une bulle. On est quand même dans la pédagogie mais on est là pour s’amuser, pour découvrir, se faire plaisir… »

 

pourquoi ce pseudo

« En fait, ce pseudo, je l’avais depuis longtemps, même avant d’inventer les petits points. Je l’utilisais déjà en tant que graphiste freelance.”LadyBug” ça veut dire coccinelle en anglais. J’aime la dualité qu’il y a entre le mot “Lady”, la femme distinguée et coquette, et le mot “Bug” pour le coté folie et en dehors des clous. Et il s’avère que vu que je me suis lancée dans une technique de petits points, ça colle vachement bien car la coccinelle a des petits points sur le dos ! Voilà cette petite bête me correspond bien : elle est pleine de couleur mais discrète en même temps et c’est la petite bête porte bonheur. Y’a plein de symboliques plutôt chouettes.

Je signe toujours LadyBug au pochoir et, si je l’ai pas sous la main, je signe au posca LadyBug ou @ladybugnantes. »

 

le processus de création

la photo, une étape importante

« En général c’est moi qui prends les gens en photo pour étudier la mise en lumière. C’est important car je travaille beaucoup le contraste et les jeux de lumière. Au début je faisais beaucoup de portraits de personnes noires. La façon dont la lumière sculpte les peaux noires m’a toujours fascinée, je trouvais ça hyper graphique. Maintenant, je fais tout type de visages, c’est beaucoup plus varié. J’ai commencé comme ça car je suis aussi très proche de la culture africaine. Depuis toute petite, elle m’a toujours attirée. »

« La plupart du temps je fais des portraits anonymes car je peux les prendre en photo, jouer sur l’expression du visage… Je préfère ça. Et donc ce sont souvent des amis, des amis d’amis, la famille… J’aime beaucoup peindre les personnes âgées car en termes d’expression et de ligne de visage, c’est beaucoup plus marqué. Les hommes âgés, c’est le top du top d’un point de vue dessin, c’est un régal. Bosser l’expression du visage, c’est ça qui m’intéresse dans l’humain, c’est tout ce qu’un visage peut traduire sans les mots et même sur une image fixe, on peut interpréter plein de choses, c’est ça qui est bien, c’est libre de réactions. »

 

et après

« J’ai ma photo comme modèle, je dessine les grands traits, je place les zones plus ou moins foncées. C’est comme n’importe quel peintre, il sait que là y’a une ombre alors il mettra cette couleur-là, ici y’a une lumière, donc il choisira un gris plus clair. C’est exactement la même démarche sauf qu’au lieu de tremper le pinceau dans telle couleur ou d’appuyer plus ou moins sur mon crayon je fais des trous plus ou moins rapprochés sur mon pochoir ; c’est vraiment la même démarche. Et je travaille avec mon modèle à côté. La photo c’est ma référence. »

 

les trous : une forme de méditation

« Avant de passer à l’étape des trous, y’a toute une démarche de création : réfléchir au portrait, le shooting photo, le cadrage, le retravail des contrastes, les dimensions, la composition, s’il y a des éléments graphiques en couleur. C’est très cérébral, je fais jamais de croquis, je fais tout dans la tête, je passe beaucoup de temps à réfléchir. Et le moment où je suis sur le pochoir, j’ai plus à réfléchir, c’est de l’instinctif et du méditatif car c’est pas une action qui me permet de penser à plein d’autres choses mais une action qui me permet de me concentrer sur le geste et d’arrêter de réfléchir, de penser, c’est pour ça que c’est méditatif. Quand on médite, on enlève toutes les pensées parasites, on est dans l’instant présent, dans le moment. C’est ça que j’aime quand je fais le pochoir, j’ai plus rien qui vient me parasiter l’esprit. Ça roule tout seul. »

 

le street art et ses codes vus par ladybug

« Le street art, c’est l’art de faire n’importe où, avec n’importe quoi. Le street art, c’est l’art dans la rue. Pour moi, la rue appartient à tout le monde. Quand y’a des histoires de guéguerres, je rentre pas dedans. Là je viens de me faire toyer une fresque qui a pas 2 jours. Je vais pas riposter ça sert à rien. »

« Ouais y’a des codes mais je suis pas forcément d’accord avec tous. Par exemple à Nantes, afin de créer un parcours street art et récolter des fonds, le Secours Populaire avait fait une demande officielle pour obtenir le droit de peindre sur différents murs de la ville. Le mur était déjà graffé, c’était un mur vandale. Et pour le projet du Secours Populaire, j’y ai fait une fresque. Sur Instagram, on m’a dit « t’a pas à faire ça, ce soir t’es recouverte ». J’ai essayé d’apaiser la situation, ça n’a pas suffi. On est censé être de la même famille, on a l’amour de la peinture en commun ! Mais certains préfèrent s’en prendre à une asso qui aide les personnes en difficulté et à des artistes qui font des actions non rémunérées en soutien… Cet acte veut dire beaucoup sur l’humain et ses travers et même si y’a des codes j’ai du mal à entendre que ces codes-là sont justes. »

 

les photos 

du côté de darwin

Street art Darwin Bordeaux
Caserne Niel
@LadyBug Nantes
le Pointillisme
LadyBug

Crédit photos David Da Silva

« C’est une collab avec Selor. C’est chouette d’essayer de marier deux univers entre artistes. On passe un bon moment pendant la réalisation du mur et c’est stimulant, ça permet d’apporter quelque chose de nouveau à sa création, de la voir autrement avec les idées de l’autre, ses techniques, ses couleurs… C’est un mariage assez chouette ! »

« De passage à Bordeaux, j’lui ai dit « on se voit, on se fait une petite collab, une session street ! » Moi j’ai une main, tu peux faire un truc dedans… C’était de l’impro totale. »

La rencontre entre LadyBug et Selor s’est faite durant la résidence Golden Age, organisée par la street artiste en 2020. Pour pénétrer dans les coulisses de cette aventure, découvre le documentaire ici !

 

le bug du voyage

« Quand j’ai découvert que mon art pouvait me faire voyager je me suis dit mais en fait c’est génial ! J’adore voyager ça fait coupler les deux passions. »

l’afrique

« Mon premier voyage, c’était pour « Good Morning Africa Festival », organisé chaque année au Togo. À cette époque, je faisais beaucoup de portraits, du dessin avec des petits points et du wax, un tissu africain, et comme ça, j’ai rencontré, Mouna, l’épouse d’Ametek, l’organisateur du festival. »

« J’ai fait une fresque pour rendre hommage à Dogba Vao-Kuman, un homme important du village, et des ateliers avec les enfants. Un an plus tard, on m’a invitée au Bénin pour une résidence artistique. C’est très compliqué de faire du pochoir là-bas car y’a pas les matériaux et tu peux pas emmener des bombes en avion. Donc j’ai décidé d’expérimenter d’autres techniques : des sculptures moulées dans la boue, j’ai mouillé la terre pour faire des empreintes de mains et de bras et j’ai pris du ciment d’un chantier à côté pour faire un moulage… J’ai aussi fait une sculpture plus grande que moi en carton peinte grâce à un mélange de terre et de colle… Des choses que j’avais jamais faites avec les moyens du bord ! Tu sors de ta zone de confort, tu fais autrement et j’adore ça. »

Ladybug

Portrait d’Angelique Kidjo, festival Effet Graff, Bénin

Crédit photos LadyBug

Et voilà ! Plutôt chouette l’univers de LadyBug, non ? Raconte-moi ce que t’en penses dans les commentaires !

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