street art bordeaux :

les confidences de delphine delas

Sente Marie Galante
Fleur explore Bordeaux
Le Garage Moderne

À Bordeaux, on a une foule de street artistes basés dans le coin. Et pour moi qui aime le street art et aime découvrir leurs univers, c’est toujours cool de pouvoir les rencontrer… Pour ensuite tout te raconter !

Il y a quelque temps, j’ai eu le plaisir de discuter avec l’artiste contemporaine Delphine Delas. C’était chouette ! Installe-toi bien confortablement : le voyage commence et tu vas te régaler !

Mais avant de découvrir ses confidences, voici quelques photos de son travail !

où delphine delas puise-t-elle son inspiration

Touches de poésie, onirisme, volupté, rondeurs, images réenchantées, imaginaire… L’artiste est fascinée par des périodes telles l’Antiquité, la mythologie grecque, mésopotamienne ou romaine… Et s’amuse à en reprendre les thématiques et personnages pour les réinventer ou croiser des univers.

 

l’art nouveau

« L’Art nouveau est une période que j’affectionne particulièrement. Plus je réfléchis, plus je me plonge dans l’œuvre d’artistes plasticiens, de poètes écrivains, plus je trouve que c’est une période qui fait énormément écho à celle que l’on vit actuellement. Non pas qu’on vive une révolution industrielle mais, je trouve qu’on vit une révolution techno-climatique. Si tu prends Gaudi, c’était une réaction à la révolution industrielle, une espèce de peur à ce qui arrivait de manière très rapide dans le 19e siècle. Et tous ces artistes qui ont dit mon dieu ça va très vite et donc ont essayé de se rapprocher de la nature. La démarche artistique de l’époque est une démarche proche de la nature en réaction à la révolution industrielle. »

« Yahne Le Toumelin, peintre bouddhiste et mère de Matthieu Ricard m’a dit : les réponses sont toujours dans les tableaux des maitres. Et elle a raison : ça fait du bien de se promener dans les couloirs du Louvre ou du musée d’à côté et d’observer ce qu’ont fait nos prédécesseurs. J’ai vu une expo sur Les Nabis à Paris et ça a été un déclic : je suis partie de l’Art nouveau et j’ai vu le lien avec mon travail. »

« Ça m’arrive de faire un grand mur avec un feuillage, du floral, parfois des personnages mythologiques. Et du coup je me suis dit mince je fais toujours ces formes organiques, ces lignes et ces personnages dans une espèce d’allégorie. Y’a cette question d’êtres mythologiques et de la présence de la nature. Je me suis dit c’est extraordinaire : l’Art nouveau a déjà traité de ça avant moi. Et donc je me suis amusée à partir sur des compositions très Art nouveau. Je suis de Bordeaux mais j’ai vécu très longtemps à Barcelone et à l’époque cela n’avait eu aucun impact. C’est maintenant que j’y repense. Inconsciemment, Gaudi me travaillait. Mon univers ne change pas mais mon style évolue. »

Delphine Delass
Street art Bordeaux

le processus créatif de delphine

« J’ai une formation d’Histoire de l’art et j’ai fait l’école du Louvre. Tout ce que je fais aujourd’hui à un lien avec cette formation. C’est quelque chose qui me vient naturellement : j’ai besoin de comprendre, de rechercher, d’assimiler pour ensuite sortir une expression plastique. Mon art est complètement libre, autodidacte. Je pars dans un imaginaire, c’est un lâcher-prise total. »

« Avant, je pouvais très bien faire des murs pour faire des murs mais maintenant je suis dans une démarche de projet d’art urbain qui me fait réfléchir sur le contexte. J’adore Ernest Pignon Ernest et je suis revenue à des artistes comme lui parce que pour moi, c’est important qu’il y ait une réflexion autour du contexte, de l’architecture, du support, de la lumière, des couleurs, des rues… Du lieu tout simplement. »

« C’est une démarche intellectuelle : la compréhension du lieu, des ressources historiques, humaines, parler avec les gens. Essayer de comprendre autant que faire se peut et après, commencer à dessiner. C’est tout ce dont parle Ernest : c’est pas l’œuvre, c’est le tout qui va faire l’œuvre. Prendre possession d’un territoire ne se fait pas de manière anodine. Je trouve qu’il y a plus de force car tout y est : le dessin, la créativité, l’emplacement, l’intelligence, le discours qui va avec l’œuvre et quand vous avez ça c’est abouti. »

la signature delas

Peintures, collages, murs, vidéo mapping… et en amont le dessin, toujours le dessin : la base des techniques de Delphine Delas.

« Même si je peux faire les deux, mon approche est plus graphique que picturale ; surtout au niveau des murs. Le dessin a plus d’importance dans mon travail que la recherche de la couleur. Je commence toujours par le dessin. Je pense que c’est quelque chose d’extrêmement important : vous ne pouvez pas être un bon peintre abstrait si vous n’avez pas une pas bonne compréhension académique du dessin. J’essaie d’aller dans l’expression pure, dans le simple trait, l’épuration des formes. Je cherche la quintessence, quelque chose qui flirte avec l’art abstrait. »

le mapping vidéo, une projection d’œuvres picturales et de sons

« Le mapping est une technique que j’ai découverte en 2016 avec Nicolas Louvancourt lors du projet « Belcier, ce quartier-là », qui rendait hommage à Marguerite Duras. Y’avait deux châteaux d’eau de la SNCF mais, à cause du sol, je ne pouvais pas poser de nacelle pour travailler. J’ai eu envie de faire quelque chose car on allait les détruire…

Et depuis, je bosse pas mal avec Nicolas, on est devenu amis. Le mapping est pour moi révolutionnaire car tu peux atteindre des lieux où tu peux pas intervenir car c’est un patrimoine protégé ou ils sont trop haut… Pour nous le mapping est comme une œuvre d’art. On a mappé dans les calanques à Marseille ; on a fait la végétation en Afrique… À partir du moment où tu as un support extrêmement touffu, projeter dans la végétation c’est comme une toile, c’est très dense, magnifique, magique… Je ne le soupçonnais pas mais je me rends compte que la nature a une place dans mon travail. »

 

Depuis 2016, Delphine et Nicolas ont réalisé plusieurs mapping vidéos tels des dessins inspirés de contes et légendes de Bordeaux, projetés sur les silos de Bacalan… Et dernièrement « Paysage intérieur : intimité(s) révélée(s) » sur la façade du Musée des Beaux-Arts et de l’Hôtel de Ville de Bordeaux.

Visionne ici le mapping « Belcier, ce quartier-là » ou ici « Paysage intérieur : intimité(s) révélée(s) ».

le support, le champ des possibles

« Là, je suis en train de travailler avec un atelier à Pondichéry pour faire broder des dessins. Je suis dans une démarche plastique de recherche. Lors de l’exposition à la cité du Vin, « Boire avec les dieux », j’ai fait broder un dessin et cela m’a ouvert plastiquement. L’artisanat m’intéresse : dessiner sur la céramique, la mosaïque… Je n’ai pas de limite au niveau des supports.

street art bordeaux : quelques murs de delphine delas 

quartier de bacalan : le garage moderne et l’artichaut

opération cubacalan

Provoquer des rencontres artistiques, s’exprimer par le street art, inspirer les populations locales… L’opération Cubacalan, imaginée dans le cadre de la semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes 2021 par l’association Bordeaux Parallaxes, est la réunion de deux quartiers populaires portuaires séparés par un océan mais animés par le street art : San Isidro à La Havane à Cuba et Bacalan à Bordeaux.

Ainsi, découvre les interventions de Mr Myl, grafitero cubano et des artistes locaux Möka 187 et Delphine Delas du côté du Garage Moderne, la sente Marie-Galante, les 211-215 de la rue Blanqui et le pont d’Aquitaine.

Possédant des liens personnels et familiaux avec l’histoire de Cuba et de Bacalan, la participation de Delphine Delas à Cubacalan était une évidence pour Catherine Grange Castagnera, historienne et présidente de l’association Bordeaux Parallaxes.

L’aventure s’est ensuite poursuivie en mai 2022 pour le mois de la culture française à Cuba. Retrouve le récit – à moins que tu ne t’envoles vers La Havane pour te balader dans le quartier San Isidro ! – de Bordeaux Parallaxes sur leur page Facebook.

 

le mur de delphine delas sur la sente marie-galante

« Quand je travaille, je porte une attention à ce qui entoure le lieu et c’est cette allée végétalisée qui m’a inspirée. C’est pour ça que j’ai fait un personnage, un homme qui a la tête dans un pot et une tête qui sort, à la surface de l’eau et entourée de végétal.

L’encadrement rappelle l’art nouveau, ce travail graphique que je trouve très fin et délicat. Quelque part ce que je fais c’est un peu peut-être de faire ce rappel par rapport à la nature et par rapport à cette espèce de surconstruction qu’on vit dans des villes comme Bordeaux. L’œuvre finale fera un tout, une cohésion. C’est un dessin fictif mais j’essaie à ce que ce soit organique, que cela se fonde le plus possible dans le décor urbain, qu’il n’y ait pas de cassure. »

Street art Bordeaux
Street art Bordeaux

bacalan, un paysage palimpseste

« Paysage Palimpseste » est un projet d’art urbain imaginé par Delphine dans le cadre de la Saison Street Art 2017 dont la thématique était le paysage. Pour aller plus loin dans le travail de mémoire de Bacalan et notamment de la Cité Claveau, Delphine évoque ce concept de « palimpseste » pour découvrir « un paysage passé et oublié, fantasmé ou réel des Grands marais de Bordeaux. »

le bunker de la rue du capitaine-koenigswerther, un des 111 lieux à bordeaux à ne pas manquer

Dans mon guide « 111 lieux à Bordeaux à ne pas manquer », je te propose de découvrir ce bunker rue du Capitaine-Koenigswerther sur lequel Delphine Delas est intervenue, pour son projet d’art urbain « Paysage Palimpseste ».

« Mon histoire familiale est à Bacalan. Ma mère vivait dans une ferme. Gamine, j’ai vu des photos des paysages : il y avait des hectares et des hectares de marécages. Puis durant la Seconde Guerre Mondiale, l’installation des Allemands, leurs bunkers, les prisonniers ouvriers que l’on faisait venir… C’est un quartier très particulier, avec toute une histoire. C’est pour ça que j’ai appelé ça « palimpseste », pour faire un rappel de ces couches et couches de paysages.  Et comme toute zone dans une ville, tu peux travailler par couche, comme le palimpseste que tu grattes. Tu vas de couche en couche voir ce qu’il y avait avant, comprendre comment tu passes de paysage naturel à urbain. J’ai peint ces feuillages grandissants, cette nature ressurgissant du passé et détonante de la forme et la couleur du bunker, pour faire appel à tous ces paysages. »

 

street art bordeaux : les murs de delphine delas dans le quartier belcier

rue des terres de borde

Cette fresque fut peinte suite à son projet « Belcier, ce quartier-là », qui rendit hommage à Marguerite Duras.

« À cette période-là je m’étais remise à lire le travail de Pignon Ernest. Il disait qu’il passait beaucoup de temps à se promener dans les rues, à observer la lumière avant d’aller coller. Et je m’étais interrogée sur le fait que dans le street art, il y a cette rapidité d’action, dûe au fait que c’est souvent illégal ; et sur le fait de me donner le temps de réfléchir sur le lieu où j’allais intervenir. Parfois ça peut être très intuitif, et des fois ça peut être une coïncidence. C’était le cas pour l’hommage à Marguerite Duras. Ma mère habite à Belcier, et j’ai vu des noms de rues indochinoises : Saïgon, Son Tay, et Bac Ninh. À l’époque, je lisais pas mal Duras, donc je me suis dit, pourquoi ne pas faire quelque chose ici, par rapport à Duras. »

pont du guit

Sous le pont du Guit, la fresque réalisée par Delphine Delas, rappelle le mapping réalisé avec Nicolas Louvancourt sur la façade de l’hôtel de ville et du musée des Beaux-Arts en 2021 : « Paysage Intérieur intimité(s) révélée(s) ». Après avoir visionné le documentaire d’Agnès Varda « Les plages d’Agnès » durant le confinement, Delphine fut inspirée par cette idée et intention que « si l’on s’ouvrait », nous verrions peut-être des paysages intérieurs.

les voyages

« Je voyage assez souvent, j’adore ça. Travaillant à l’extérieur, je rencontre plein de gens et j’ai un rapport direct avec eux. J’en retiens toujours quelque chose de très précieux. Cela me permet d’avoir énormément de recul par rapport à mon travail. Dans certains pays, le street art est pas répandu comme chez nous. Et en plus une femme qui travaille dans la rue, les gens ne comprennent pas : on me dit où est votre mari ? pourquoi je fais ça ?… J’adore ces expériences car elles vous remettent à votre place.

Je suis partie faire un projet d’art urbain à Pondichéry et j’ai commencé à me lier avec une famille qui vivait dans la rue. Quelque chose s’est passé, on se comprenait autrement. Je suis intervenue dans un autre quartier et des enfants nous ont accompagnés sur plein de murs. J’ai donné mon pinceau, c’était hyper touchant. Un rapport esthétique se crée, les enfants veulent vous parler. Ils comprennent et s’impliquent tout autant que vous dans ce que vous êtes en train de faire. Quand je travaille dans la rue, ça me touche énormément.

À Bordeaux St Jean beaucoup de gens sont venus me voir pour me dire que c’était bien, beau ; qu’on a besoin de couleurs, de choses paisibles…Ça m’a troublé qu’autant de gens, de tout âge et classe viennent me voir. »

où dénicher d’autres murs de delphine delas

Du côté de Bacalan, Delphine est intervenue sur les murs du Garage Moderne et de l’Artichaut et sur le bunker rue du Capitaine-Koenigswerther.

Tu as aussi quelques murs dans le quartier Belcier, derrière la gare Saint-Jean : rue des Terres de Borde, sous le pont du Guit et rue Jules Guesde à côté des Capus.

Et enfin, voici les adresses de quelques-uns de ses murs parsemés dans Bordeaux Métropole

  • Barrière Saint-Augustin à hauteur du 57 boulevard Antoine Gautier, en face du cimetière de la Chartreuse, quelques pas avant le feu. Et si tu es dans le coin, regarde ici mon article sur le cimetière : tu y trouveras une balade permettant de découvrir l’architecture funéraire et de célèbres tombeaux.
  • Le gymnase avenue Thiers, au 178.
  • La rue du Mulet.
  • Il y a quelques années, j’avais aussi aperçu un autre mur de Delphine avenue du Maréchal Juin à Gradignan, sur le mur longeant le sentier vers l’arrêt de bus « Collège A. Mauguin ». Je ne suis pas sûre que son travail soit encore visible.

en savoir plus sur delphine delas

Site internet / Facebook  / Instagram

 

J’espère que cet article t’a plu ! Laisse-moi un ptit commentaire en bas de page et découvre d’autres interviews de street artistes locaux.

Et si tu veux poursuivre ta découverte du street art à Bordeaux, participe à ma visite guidée « confidences d’artistes dévoilées ». Plus de détails par ici.

Crédit photos David Da Silva

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