street art bordeaux : lüle

On poursuit la découverte du street art à Bordeaux ! Après avoir pénétré dans les univers de Monsieur Poulet, LadyBug, Fred Rush Collins, Delphine Delas, A-MO ou encore Selor, fais la rencontre de Lüle, une autre pétillante artiste graffeuse basée dans le coin.
Art urbain
la graffeuse Lüle
Street art

lüle, raconte-nous tes débuts

« Je suis née en Bretagne dans le Morbihan et j’ai grandi à Blanquefort depuis mes 3 ans. J’ai découvert le graff en 98, quand j’avais 16 ans. À l’époque le graffeur Dock était venu à Blanquefort faire un atelier pour présenter aux jeunes, c’est comme ça que j’ai fait mon premier graff. »

« Après j’ai eu mes deux filles : Inès et Louisa et ce n’est que 10 ans plus tard que je m’y suis mise, en mode thérapie. Au tout début je trouvais des spots à côté de chez moi et j’me faisais mes premières ptites prods tranquille. Au fur et à mesure, j’ai rencontré d’autres graffeurs et depuis c’est devenu ma passion. Je peux pas vivre sans, c’est comme une addiction : les gens vont courir, moi je vais peindre une heure, deux heures. Dans ma voiture, j’ai tout le matos, j’peux même pas mettre de sac de voyage ! » Je peins à l’improviste, ça a toujours été comme ça. Et avec les potes, on se dit « ça te dit un coup de peinture » ? Si j’ai pas peint pendant 3, 4 jours, ça me manque. »

« Et j’ai plusieurs boulots : je suis aide-soignante, je suis coiffeuse. J’ai toujours voulu être coiffeuse mais mes parents voulaient pas. Je coiffais les gens des Restos du Cœur et j’ai fait le camion, le bus. J’aime bien intervenir pour le Secours Populaire ou les Restos du Cœur. »

 

tu vadrouilles pas mal aussi…

« Une semaine sur deux, j’suis dans les Landes pour m’occuper de mes grands-parents. J’ai la chance d’aller le matin à Capbreton sur la plage me faire ma petite peinture sur les blockhaus. Et l’autre semaine, j’bouge un peu partout. Comme je suis de Bretagne et que des gens de mon crew, Vivre en Couleur, sont sur la Rochelle, les Sables d’Olonne ou Nantes, je m’arrête à chaque ville, un jour chacun ! »

 

qu’est-ce que te procure la peinture

« Moi ça me remplit de peindre, c’est mon plaisir. Je m’amuse bien et c’est moi qui décide, c’est une énorme liberté. Je me sens privilégiée de pouvoir faire ça. »

« La seule chose qui pourrait m’arrêter c’est de ne plus avoir l’usage de mes mains. J’me suis déjà dit « si j’ai pas mes mains comment je pourrais faire » ? Et tu sais j’me suis déjà entraînée chez moi avec mes pieds. Avec un peu d’entraînement, ça va ! J’me dis tous les jours que j’ai la chance de faire ce que j’aime, je suis tellement heureuse : tout ce que je fais, je vois, les rencontres, les voyages, les villes que je traverse… »

 

et tu peins sur des blockhaus aussi

« J’ai connu les blockhaus à Soulac : mes parents avaient une caravane et j’y allais jeune. Y’avait pas beaucoup de monde avant ! »

 

lüle, tu préfères peindre seule ou en duo ?

« Ça dépend des périodes. Des fois, j’aime bien peindre toute seule ? Ça dépend où je suis. Comme j’aime bien bouger je vais aller dans une ville, et même si je suis toute seule, ça me dérange pas. Mais ici j’aime bien peindre avec des copains. J’aime bien l’entente, on boit une bière, on s’fait un ptit barbecue… Je peins avec Crock aussi et comme il fait du vandale et que j’aime bien avoir un peu d’adrénaline, il m’emmène. »

Sortie de pont
Lüle
Street art Bordeaux

tu trouves tes spots spontanément ?

« Ça dépend… Je pense que je repère. On a les yeux, on est à l’affût du moindre mur. Y’a de moins en moins de spots sur Bordeaux. Y’a une grosse communauté de graffeurs : les papas présents depuis longtemps et qui tiennent et les neveux, les petits… ! »

 

raconte-nous quand tu fais un mur

« Mes prods, c’est comme les gâteaux au chocolat : des fois c’est réussi, des fois c’est raté. J’y vais à l’instinct, je fais à ma façon. J’ai pas de dessin en amont. Parfois je regarde Pinterest ou j’ai une photo que je trouve cool et je me dis je vais la faire à ma façon. J’prends la bombe et je trace. Je fais une tête, les grandes lignes et au fur et à mesure j’affine, je vais mettre les couleurs. Je sais pas comment ça va donner. Par exemple la bouche j’fais d’une manière au début et si ça me plaît pas je change car faut que ça me plaise. Je prends des photos sur mon téléphone car en fait, quand je suis devant, je vois pas. Alors je regarde la photo et après je change. Je tiens pas à avoir du résultat super propre, c’est pour délirer ! Plus la peinture est grande, plus c’est facile, plus le visage est petit, plus c’est difficile. Surtout si y’a des rides ! Et en plus je fais au hasard, ça sort comme ça sort, c’est le gâteau ! »

et tes fameux personnages

« Je suis venue aux personnages car j’adorais les petits persos de Miss Van. En 98, elle était venue peindre sous le pont de Thouars. Je recopiais aussi les lettrages des graffeurs pour m’entraîner un peu. Donc au début je faisais des poupées, que j’ai améliorées, et j’en suis venue à faire mes personnages. La famille s’est agrandie, la famille a vieilli ! »

« Au fur et à mesure je fais les détails : le vernis, les boucles d’oreilles, la barrette, ça me vient au fur et à mesure. Ça m’éclate. Comme des poupées que j’habille et je fais pareil avec les vieilles. J’aime bien les seins qui pendent, le bide qui dépasse et qu’on voit pas des filles toujours avec des gros seins, apprêtées. Et comme je travaille beaucoup avec les personnes âgées, je voudrais qu’on ait un œil genre… c’est normal ! Je donne des noms parfois, ça m’amuse, je trouve que ça leur va bien : Odile, Christiane, Raymonde, mes grands-mères Jeannette et Nicole. C’est comme des poupées. »

 

des persos inspirés de ta grand-mère lüle ?

« Ma grand-mère Jeannette était très rock‘n’roll et quand j’étais en Bretagne, dans mon petit village, j’ai fait une scène avec des grands-mères et des deudeuches avec des copains de Paris. Ma grand-mère est décédée le jour de mon anniversaire et j’ai gardé ce perso que j’avais identifié comme elle. J’ai gardé ce truc de faire des mamies car j’aime bien faire des rides, pas tout le temps des pin-ups ! »

 

y’a de l’humour !

« J’essaie de faire un ptit truc pour que la personne sourit ; se dise que c’est marrant ; c’est rigolo cette tête ! Je me marre de mes persos, ils sont horribles ! »

parle-nous de ton blaze, lüle

« C’est Lüle. Souvent, je le mets, des fois j’oublie. J’ai pas choisi les lettres de mon pseudo par rapport au lettrage. Quand j’ai voulu m’intéresser au lettrage, pour placer les deux « L » c’était horrible. Y’a personne qui veut échanger avec moi quand on fait des échanges de blaze ! Les lettres s’harmonisent pas bien, alors je m’amuse qu’avec le « E », qui peut avoir plusieurs formes. »

et le ptit cœur ?

« Je dis toujours de mettre un peu d’amour dans ce monde de brute ! »

 

t’as quoi côté matos ?

« J’utilise que la bombe. Ça m’a pris du temps pour savoir la maitriser. Avec la bombe t’as des caps différents pour tracer plus ou moins fin. Faut faire gaffe à la pression et ça c’est difficile. Celui avec lequel je me sens le mieux c’est le fat cap. Les vandales l’utilisent car il permet de faire des remplissages super vite et je peux accentuer les traits sur une zone ; je peux faire des traits tout fins, par exemple les yeux, si j’appuie tout doucement. Les skinny font des traits très fins et les banana des traits moyens. À force de peindre, j’ai pris en rapidité, ça me fait plaisir car je me dis en 2 heures, je peux partir de chez moi, trouver un spot, peindre en une heure et je repars ! J’me fais un petit kiff ! Et j’ai mon échelle qui me suit ! »

 

tu peins quand tu voyages aussi

« J’ai peint dans plusieurs pays : dans un orphelinat à Katmandou au Népal car une copine à moi, originaire de là-bas, se mariait. On a peint toute la journée avec des bombes de carrosserie, j’avais fait un éléphant noir et gris et des peintures à la main. J’aime bien le Portugal, ou Séville aussi. J’ai été à la Réunion avec mes enfants et j’y retourne bientôt. C’est mon premier voyage à moi, pour mes 40 ans, je vais en profiter ! Dès que je vais dans un pays je peins et je me fais tatouer. »

 

il parait que t’as une passion pour les vide-grenier aussi, lüle

« Je fais beaucoup de vide-grenier, c’est ma passion ! J’ai écumé ceux de la région, j’adore ! Je récupère tout : des rubans, des bijoux que je trouve par terre. Je fais de la pâte à modeler durcissante, je fais des embouts sur les sprays, des maquettes, des toiles… Je fais plein d’autres trucs. J’adore la déco et j’adore aménager chez des gens : pars faire 2, 3 courses et quand tu reviens, tes meubles ont changé de place ! Et quand ça m’arrive c’est H24, je suis possédée ! Jour et nuit pendant des mois je peux rien faire d’autre. Je me laisse aller au gré de mes envies. Amaguiz, comme la pub ! »

 

t’as dû faire plein de rencontres marquantes

« Mes rencontres marquantes, c’est les vraies rencontres, ceux que je côtoie depuis 10 ans ! »

« Hopare, je l’ai rencontré à Bordeaux, je l’adore ! Il avait fait une prod à Darwin et pour déconner, j’lui ai lancé : j’ai le pâté de mamie, on peint et on se fait un pique-nique. Et il a fait un lettrage incroyable, je l’ai regardé peindre et j’étais estomaquée ! J’étais tremblante de peindre à côté de lui. Et lui, il était trop gentil, hyper naturel. Ça s’est fait à l’improviste et ç’est ça qui est bien, tu t’y attends pas et tu passes un super moment. »

« On m’a aussi invitée au Caps Attack à Paris ; il fallait faire un battle sur scène devant les gens. J’ai répondu oui, je me suis dit ça me fait un challenge ! La première battle était contre une fille et on avait chacun un DJ qui faisait un battle aussi. On avait 20 minutes chacune et un thème imposé : le titre de rap « laisse pas trainer ton fils ». En plus, ils nous changeaient les couleurs toutes les 5 mins. Après, y’avait les battles de garçons et après la fille était contre le garçon. L’animateur, c’était Sidney, le présentateur de H.I.P H.O.P. J’ai gagné le premier battle et sur le deuxième, on a fait égalité. J’avais fait un perso avec un cocard et des gants de boxe avec deux mains gauche car je suis dyslexique. Je boxe avec les mots ! Je suis gauchère, j’écris et je dessine de la main gauche mais je peins de la main droite… C’était dingue ! Tout ce qu’on me propose j’ai toujours dit oui ! »

Crédit photos David Da Silva

qu’est-ce que tu dirais pour qui veut se lancer ?

« De se lancer. Tu peux commencer avec n’importe quoi. Tu te lances sur un bout de cadre, tu t’affines, t’apprends à tester la bombe, les caps… Côté matériel bombes et autres, tout est adapté. »

Merci Lüle, c’était chouette ce moment ensemble !

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J’espère que cet article t’a plu ! Maintenant, découvre d’autres interviews de street artistes locaux. Et si tu veux poursuivre ta découverte du street art à Bordeaux, participe à ma visite guidée « Street art Bordeaux : confidences d’artistes dévoilées ». Plus de détails par ici.

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